Biographie résumée
Au cœur du vieil empire

Schlomo, Sigismund, Freud naît le 6 mai 1856 à Freiberg en Moravie, aujourd'hui Pribor, une petite ville de Tchéquie. Ses parents étaient juifs et il l’est resté lui-même. Il est le premier enfant de l'union de Jacob Freud et d'Amalie Nathanson, alors que celle-ci a tout juste 20 ans. Sa famille paternelle était originaire de la région de Cologne, dans les pays rhénans. À la suite de persécutions au XVe siècle, celle-ci a transité par différentes contrées : Lituanie, Galicie puis Autriche. Alors que Sigismund a quatre ans, le père, négociant en laine, connaît un revers de fortune, ce qui conduit la famille Freud à Vienne. C'est là qu’il poursuit une scolarité brillante au Gymnase où il se révèle un lecteur assidu des classiques grecs, allemands et anglais.


 
Arbre Généalogique

Sources hébraïques

 
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Études médicales

Il opte cependant, sans vocation affirmée, pour des études de médecine. Son entrée à l’université, en 1873, est marquée d'emblée par la perception d'un antisémitisme ouvert. C’est dans le laboratoire de physiologie d'Ernest Brücke qu'il effectue ses premières recherches, sur la moelle épinière d'un poisson inférieur. « Brücke me donna une tâche relative à l'histologie du système nerveux, que je pus à sa satisfaction, mener à bien et poursuivre ensuite de façon indépendante. Je travaillais à ce laboratoire de 1876 à 1882 avec de courtes interruptions, et j'y passais là comme tout désigné pour la prochaine place vacante d'assistant. Les diverses branches de la médecine proprement dite – à l'exception de la psychiatrie ne m'attiraient pas ». Freud obtient néanmoins son diplôme de médecine en 1881 et doit renoncer à la voie des études théoriques pour des raisons financières. Il est rapidement promu interne et passe plus de 6 mois dans le service de Th. Meynert, dont l’œuvre et la personnalité le fascinent. Freud a toutefois l'occasion de poursuivre des recherches sur le système nerveux humain au sein de l'Institut d'anatomie cérébrale. Il y effectue de petits travaux sur le trajet des fibres nerveuses et sur l’origine des noyaux dans le bulbe rachidien. Il conçoit progressivement le projet de se lancer dans l’étude des maladies nerveuses, mais cette discipline n’est pas très en vogue à l'époque. Il choisit de briguer le grade de Dozent et d’aller se former auprès du grand neurologue parisien : J.-M. Charcot.


 
 
 
 
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Le séjour à Paris

« Au printemps de 1885, je fus reçu Dozent de neuro-pathologie sur la base de mes travaux historiques et cliniques. Bientôt après, grâce à la chaude recommandation de Brücke, un subside assez élevé me fut alloué pour un voyage. C’est l’automne de cette année là que je partis pour Paris.»

Il entre comme élève à la Salpêtrière et se propose assez rapidement comme traducteur en langue allemande des Nouvelles Leçons de Charcot. Dans le service de ce dernier, il a l’occasion d’observer nombre de phénomènes hystériques (paralysies, contractures, anesthésies) et les effets de la suggestion hypnotique. Au cours des leçons du maître parisien, Freud a l’intuition de la signification sexuelle des troubles hystériques et note que les paralysies observées sont délimitées par la représentation populaire, et non anatomique, que les hommes se font de leur corps.

Paris !

Charcot

hystérie

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Retour à Vienne

À l’automne 1886, Freud s’établit comme médecin à Vienne. Il épouse Martha Bernays après quatre années de fiançailles. Freud rate de peu, à cette époque, une découverte qui aurait pu lui apporter une première célébrité. Il avait en effet été amené, en 1884, à s’intéresser à un alcaloïde peu connu, la cocaïne, et à en étudier les effets physiologiques. Il avait pressenti diverses applications de cette substance en médecine, mais avait conclu à la hâte sa recherche pour rejoindre Martha. À son retour, il apprendra que le bien fondé de l’utilisation de la cocaïne comme anesthésique local a été établi par un confrère.

"Ce fut de la faute de ma fiancée..."
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Hypnose ?

Freud se heurte rapidement à l'hostilité de ses collègues de la Société des Médecins lorsqu'il tente de rendre compte de ce qu'il a appris auprès de Charcot. La possibilité de l'existence d'une hystérie masculine est en particulier totalement rejetée. L'arsenal thérapeutique de Freud, dans le traitement des malades nerveux, se réduit au départ à l'électrothérapie et à l'hypnose. Alors qu'il délaisse rapidement la première méthode, il reste attaché à la méthode hypnotique dont il avait pu constater les effets lors de son voyage à Paris : on se servait sans hésiter de l'hypnose pour créer des symptômes et ensuite pour les supprimer. Dans l'intention de parfaire sa technique hypnotique, il se rend, dans le courant de l'été1889, à Nancy auprès de Liebault et Bernheim. « Je fus témoin des étonnantes expériences de Bernheim sur ses malades, et c'est là que je reçus les plus fortes impressions relatives à la possibilité de puissants processus psychiques demeurés cependant cachés à la conscience des hommes.»

L'hypnose
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Anna O.

De retour à Vienne, Freud commence à faire un emploi très particulier de la suggestion hypnotique, relativement à l'histoire du malade et à la genèse des symptômes. Sans doute est-il influencé dans cette voie par la technique d'un de ses collègues et amis, âgé de quatorze ans de plus que lui, Joseph Breuer. Breuer avait communiqué à Freud des observations sur un cas d'hystérie traité dans le début des années 1880. La patiente, Anna O. présentait des paralysies, des contractures, des inhibitions et des états de confusion mentale. Breuer avait pris l'habitude de plonger sa malade dans une profonde hypnose et la laissait à chaque fois raconter ce qu'elle ressentait et ce qui l'opprimait. Avec cette méthode, il se révéla que les symptômes remontaient à des événements anciens l'ayant fortement impressionnée. Les symptômes avaient donc un sens et correspondaient à des réminiscences de situations affectives intenses. Lorsque la malade pouvait sous hypnose établir des relations entre ses troubles et certains événements du passé, le symptôme s'en trouvait supprimé, et ne reparaissait plus. Breuer parvint du reste à une guérison satisfaisante des troubles (ce qui semble aujourd'hui moins certain).

La Vienne de Freud


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La méthode cathartique

Fort de ses propres observations et de l'application de cette méthode, Freud collabore avec Breuer dans la rédaction dans ouvrage commun : Les Études sur l'hystérie. Les deux hommes y définissent une méthode : Breuer appela notre méthode ''cathartique'' ; nous lui donnions pour but thérapeutique de ramener dans les chemins normaux, afin qu'elle puisse s'y écouler (être ''abréagie'') la charge affective engagée dans des voies fausses et qui y était pour ainsi dire coincée. Le succès pratique de la méthode cathartique était excellent. Des divergences d'opinion s'installent toutefois entre les deux hommes concernant l'origine du caractère pathogène de certains courants affectifs. Fallait-il y voir, comme Breuer, le fait de certains états psychiques "hypnoïdes" ou, comme Freud, la conséquence de conflits, d'un jeu de forces ? Freud est très vite amené à développer l'idée que derrière les phénomènes de la névrose se profilent des émois affectifs de nature sexuelle. Ces émois se rapportent soit à des conflits sexuels actuels, soit à des contrecoups d’événements sexuels précoces. Chez des malades repérés à l'époque comme "neurasthéniques", il met en évidence des mésusages actuels de la fonction sexuelle (absence voulue ou subie de relations sexuelles, masturbation) et il s'attache à modifier le comportement de ses patients à cet égard.

Les études sur l'hystérie
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Amour ?

Une première distinction est opérée entre un type de névrose dite "actuelle", faisant référence à l'expression directe et immédiate des troubles de la fonction sexuelle, et la "psychonévrose" liée à l'expression psychique de ceux-ci. Freud se heurte rapidement à l'hostilité des sociétés médicales quant au rôle étiologique de la sexualité dans les névroses. Breuer tenta dans un premier temps de le soutenir, mais sans en être véritablement convaincu. Freud met d'ailleurs en évidence les raisons de l'ambivalence de son collègue et ami au regard de l'étiologie sexuelle. Breuer avait en effet été confronté, avec Anna O., à un épisode d'amour (qu'on appellera ultérieurement de "transfert") et à une manifestation de grossesse nerveuse. Celui-ci n'avait pas voulu rapporter cet état à la névrose de la jeune fille, et avait pris la fuite devant les conséquences éventuelles pour son foyer et sa respectabilité.

Le transfert
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Abandon de l'hypnose

Dans le même temps, Freud en vient progressivement à abandonner la méthode hypnotique. Les améliorations constatées s'avéraient peu durables et étaient souvent liées à la relation personnelle de la patiente au médecin. D'autre part, Freud estimait lui-même être un piètre hypnotiseur. Il se souvint alors d'une expérience dont il avait été témoin chez Bernheim : Quand la personne en expérience s'éveillait de son somnambulisme, elle semblait avoir perdu tout souvenir de ce qui s'était passé pendant que durait cet état. Mais Bernheim affirmait qu'elle le savait quand même, et lorsqu'il la sommait de se souvenir, quand il l'assurait qu'elle savait tout, qu'elle devait donc le dire, et quand il lui posait encore de plus la main sur le front, alors les souvenirs oubliés revenaient vraiment, d'abord hésitants, puis en masse et avec une parfaite clarté. Je décidais de faire de même. Freud abandonne donc l'hypnose. Il n'en conserve que la position allongée, sur un lit de repos derrière lequel il s’assoit, ce qui lui permet de voir sans être vu lui-même. Ce nouveau dispositif permet de mettre en évidence un jeu de forces, un travail, dans le psychisme : tout ce qui était oublié avait été pénible, ou effrayant, ou douloureux, ou honteux au regard des prétentions qu'avait la personnalité d'être beaucoup plus forte et convenable. Pour que les pensées oubliées fassent retour à la conscience, il fallait surmonter quelque chose qui résistait chez le malade, faire pression sur celui-ci.

"L'appartement de Freud"
 
Associations libres

Interprétation

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Naissance de la Psychanalyse

Le conflit psychique résulte de deux forces antagonistes : l'une liée à la pensée ayant subi un refoulement, sous-tendue par une connexion de nature sexuelle ; une autre sous la forme d'une résistance que Freud relie au Moi. En fait, le Moi refuse l'accès à la conscience et à la décharge motrice directe d'un émoi, d'un affect, vécu comme intolérable. Deux conséquences en émergent : le Moi se protège de la poussée constante de la pensée refoulée par un processus de contre-investissement ; d'autre part, le refoulé inconscient cherche une dérivation et des satisfactions substitutives par des voies détournées. Dans l'hystérie de conversion, la voie substitutive mène à l'innervation corporelle et se traduit sous forme de symptôme(s) somatique(s). Dès lors, Freud propose de substituer le terme de psychanalyse à celui de catharsis. Il ne s'agit plus d'abréagir l'affect engagé dans des voies fausses, mais de découvrir, d'analyser, la nature des refoulements qui ont conduit au symptôme.

Refoulement
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Un "ami" de transfert

De 1887 à 1902, Freud entretient une relation épistolaire intense avec un collègue berlinois, Wilhelm Fliess. Fliess est un spécialiste du nez et de la gorge, et intervient auprès de personnes de l'entourage de Freud. Au fil de la lecture de centaines de lettres échangées (cf : La naissance de la psychanalyse, PUF), on assiste à la découverte proprement dite de la psychanalyse. Tout se passe comme si Freud avait eu besoin d'un interlocuteur, avec qui était nouée une relation que l'on dirait aujourd'hui transférentielle, pour élaborer sa découverte. Il est à noter que Fliess est lui-même l'auteur d'une théorie rapidement récusée par Freud, jugée aujourd'hui extravagante, sur la correspondance entre le nez et les organes génitaux. La relation des deux hommes s'estompe dans les premières années du nouveau siècle, en raison de divergences théoriques croissantes.


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La réalité psychique : fantasmes et désir

Freud s'aperçoit rapidement qu'à travailler sur le refoulement, il est très souvent ramené à des périodes toujours plus précoces de la vie du malade, jusqu'aux premières années de l'enfance. Il s'avère en fait que les impressions des premières périodes de la vie, bien que tombées sous le coup d'une amnésie, sont déterminantes pour le développement de l'individu, et peuvent prédisposer à une névrose ultérieure. Freud met alors en évidence l'importance des excitations sexuelles infantiles, des expériences de plaisir du corps dans la prime enfance. L'existence d'une véritable sexualité infantile est découverte, ce qui provoque dans l'entourage de Freud une explosion d'indignation considérable. Dans un premier temps, il pense avoir découvert, dans la prédisposition à la névrose, l'importance d'une séduction réelle par le père. De nombreuses patientes décrivaient en effet des scènes vécues au cours desquelles elles auraient été confrontées à des actes de séduction d'un père, d'un oncle ou d'un frère aîné. Freud dut pourtant reconnaître assez rapidement que de telles scènes n'avaient jamais eu lieu, et qu'elles n'étaient que des constructions de l'imagination : Lorsque je me fus repris, je tirais de mon expérience les conclusions justes : les symptômes névrotiques ne se reliaient pas directement à des événements réels, mais à des fantasmes de désir ; pour la névrose, la réalité psychique avait plus d'importance que la matérielle.

fantasme

traumatisme

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Le complexe d'Œdipe

Freud évoque ici pour la première fois le complexe d'Œdipe, qui devait acquérir plus avant dans son œuvre une place considérable. Par ailleurs, il met en évidence la nature de l'évolution complexe de la fonction sexuelle, jusqu'à la vie sexuelle normale de l'adulte. Au départ existent des composantes pulsionnelles dépendantes de zones somatiques érogènes, de nature foncièrement auto-érotiques. Différents stades se mettent en place : oral, sadique-anal, et ce n'est que dans un troisième temps que la primauté des organes génitaux s'installe. L'énergie de la pulsion sexuelle est nommée libido. Au cours de l'évolution, des fixations de la libido peuvent se produire en fonction de situations vécues comme des traumatismes ou des satisfactions inappropriée. Celles-ci fonctionnent comme points de retour dans le cas d'un refoulement ultérieur, par le mécanisme de la régression. La nature des points de fixation apparaît déterminante dans le choix de la névrose. Après une période d'auto-érotisme, le premier choix d'objet effectué par le jeune enfant porte sur la mère. Le premier choix d'objet est donc un choix incestueux. Le complexe d'Œdipe, autour de la quatrième ou cinquième année de la vie, apparaît comme le moment d'une dissolution de ce lien incestueux en même temps que d'une rencontre avec la Loi, représentée par le père en position symbolique. Le complexe d'Œdipe, phase intense et douloureuse du développement de la sexualité, s'accompagne pour les deux sexes, mais différemment, d'une angoisse de castration.

Famille et parentalité
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Garçon / Fille
Alors que pour la fille, l'angoisse de castration est l'entrée dans complexe d'Œdipe et l'entraîne à se tourner vers le père pour trouver un substitut phallique sous la forme d'un enfant, le garçon renonce à ses souhaits incestueux par la peur de la castration elle-même. Il y a donc une dissymétrie structurelle entre la sexualité du garçon et de la fille. Ce point, qui a fait durablement débat dans l'histoire de la psychanalyse, sera mis en valeur et théorisé ultérieurement par Lacan. La période œdipienne s'achève avec la constitution de deux instances psychiques : le Surmoi et l'Idéal-du-Moi. Elle est suivie d'une période dite de latence jusqu'à la puberté. La sexualité humaine se construit donc en deux temps majeurs, l'un dans la petite enfance, l'autre à partir des bouleversements biologiques et psychiques de la puberté. Il convient pour Freud de se détacher de l'idée d'une sexualité liée aux organes génitaux pour la voir comme une fonction essentiellement attachée au plaisir de tous les organes du corps. Ce n'est que secondairement qu'elle est rattachée à la reproduction.
Différence des sexes

Il n'y a pas de rapport sexuel

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L'interprétation sous transfert

Au cours de tout traitement analytique, Freud découvre qu'une intense relation affective se met en place entre le patient et son psychanalyste. Cette relation est de nature positive ou négative et peut revêtir toutes les intensités. Freud propose de l'appeler transfert. Le transfert a tendance à prendre la place du désir de guérir, tout en étant un moteur dans le travail analytique. Mais d'un autre côté, il est l'instrument principal de la résistance. Il paralyse alors l'activité associative et met le succès du traitement en péril. Le travail de l'analyste est de rendre le transfert conscient, en insistant sur la valeur de reproduction de relations affectives émanant de périodes refoulées de l'enfance. Par ailleurs, la méthode de l'association libre et la technique d'interprétation qui s'y rattache permet l'accès à la signification des rêves et des diverses autres productions de l'inconscient (actes manqués, symptômes eux-mêmes). En effet, le rêve manifeste apparaît comme une certaine traduction de pensées latentes contenant le sens du rêve. Le rêve est essentiellement réalisation de désir. Les aspirations inconscientes profitent du relâchement nocturne pour faire irruption dans la conscience. La résistance du Moi n'est que diminuée pendant le sommeil, et un phénomène de censure défend au désir inconscient de s'exprimer pleinement. Là gît l'explication de la déformation du rêve. Le rêve est donc construit comme un symptôme névrotique, il est une formation de compromis entre l'aspiration pulsionnelle refoulée et la résistance du Moi. Il relève, comme le symptôme, de l'interprétation. Le travail du rêve consiste en un traitement  particulier du matériel des pensées inconscientes. Celles-ci sont condensées, leurs accents psychiques sont déplacés, elles sont transformées en images visuelles, dramatisées. Un symbolisme sexuel est utilisé.

De beaux rêves
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Universalité de l'Inconscient

La découverte par Freud de la signification des rêves (Die Traumdeutung, 1900) est à rapprocher de l'interprétation qu'il donne des petits actes manqués ou des actes symptomatiques dans la vie courante. En 1904, dans un ouvrage intitulé La psychopathologie de la vie quotidienne, il apporte la preuve que ces phénomènes ne sont nullement dus au hasard, qu'ils sont interprétables comme tels, et en lien avec des aspirations retenues ou refoulées. Ainsi, la psychanalyse n'est pas seulement attachée aux cas pathologiques, elle apporte aussi un éclairage sur la vie psychique normale. Par extension, elle s'intéresse à la personnalité des artistes et aux conditions de production de leurs œuvres. Le plaisir esthétique n'est aucunement gâté par la compréhension analytique, mais celle-ci reste muette sur deux problèmes : l'élucidation du don artistique, et la révélation des moyens dont se sert l'artiste pour travailler. Par ailleurs, Freud apporte ses contributions au développement de la psychologie de la religion. Dès 1907, il est amené à constater la surprenante ressemblance entre les actes obsessionnels (névrose obsessionnelle ), et les rituels religieux. La névrose obsessionnelle devient une religion privée défigurée.

Psychanalyse et culture
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Ce qui lie les Hommes

Plus tard, étudiant les civilisations primitives, il montre de quelle façon l'horreur de l'inceste entraîne l'édification de défenses, de tabous. Dans le phénomène du totémisme, l'être vénéré par le groupe, très souvent un animal, symbolise pour Freud le père. Dans les deux prescriptions fondamentales du totémisme : ne pas tuer le totem et ne se servir sexuellement d'aucune femme du même clan totem, Freud reconnaît les deux parties du complexe d'Œdipe. Se saisissant d'une conjecture de Darwin, d'après laquelle les hommes auraient originellement vécus en hordes, il produit une hypothèse pour rendre compte du phénomène de la naissance de la civilisation : le père d'une horde primitive aurait accaparé toutes les femmes, en despote absolu, et chassé les fils. Ces fils se seraient cependant associés, auraient tué le père et l'auraient dévoré. Sous l'influence de la culpabilité, ils auraient ensuite appris à se supporter les uns les autres, à s'unir. Ils auraient alors instauré les prescriptions du totémisme et celles de l'exogamie. Le rite du repas totémique est à entendre comme la fête commémorative de l'acte d'incorporation du père. Progressivement, l'animal totem, encore présent dans les polythéismes, devient le modèle du dieu monothéiste. On retrouve, par exemple, dans la religion chrétienne de nombreux éléments en rapport avec ce qui vient d'être évoqué (culpabilité liée au péché originel à racheter, mise à mort du Christ, communion, institution d'une Église, etc...).


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"Institution" de la psychanalyse

Après un temps d'isolement presque total jusqu'en 1905, Freud voit se former autour de lui un petit cercle d'élèves. Il noue des relations avec le psychiatre Suisse E. Bleuler et avec son assistant C. G. Jung. À Pâques 1908 a lieu à Salzbourg un premier congrès de psychanalyse où se décide la fondation d'une revue (Journal des recherches psychopathologiques et psychanalytiques) dont Jung devient le rédacteur en chef. L'anathème officiel contre la psychanalyse, souvent dénigrée comme science juive, amène Freud et ses collaborateurs à fonder de nouvelles instances dans lesquelles des praticiens de diverses nationalités et croyances, des agnostiques, auraient une place notable. Ainsi, lors du deuxième congrès à Nuremberg, en 1910, sur une proposition se S. Ferenczi, est fondée une Association Psychanalytique Internationale. Le premier président en fut Jung.



Dès cet instant pourtant, les premières fractures se produisent. Bleuler prend dans de nombreux articles une attitude de refus contre le corps de la doctrine psychanalytique. L'auteur du concept d'ambivalence semble l'avoir mis particulièrement en exercice au regard du rôle de la sexualité dans l'étiologie des névroses. Du reste, à la suite d'un désaccord avec Jung, il quitte l'Association Internationale. En 1909, Freud et Jung sont invités aux États-Unis par Stanley Hall afin de réaliser des conférences dans diverses universités. À cette occasion, Freud donne ses Cinq conférences sur la psychanalyse qui resteront, une fois transcrites, un des ouvrages fondamentaux de la psychanalyse. De retour sur le continent, Freud a rapidement à faire face à l'émergence de deux mouvements dissidents. Jung tente en effet une transposition des faits analytiques sur le mode abstrait, symbolique, en minorant le rôle de la sexualité infantile et du complexe d'Œdipe .De son côté Adler, rejette en bloc l'importance de la sexualité et rapporte la prédisposition à la névrose à la volonté de puissance des hommes et à leur besoin de compenser leur infériorité constitutionnelle. Freud parvient toutefois, et fort justement, à faire renoncer ces deux auteurs à dénommer leurs doctrines psychanalyse.

Le rêve américain
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Éros, Thanatos

La première guerre mondiale ne vient pas à bout de l'Association internationale. Le congrès de 1920 se déroule à La Haye, sur terrain neutre. La guerre avait, d'une certaine façon, accru l'intérêt porté à la psychanalyse. L'observation des névroses de guerre avait réveillé la question de la signification des maladies nerveuses, et réouvert le champ des hypothèses sur la psychogenèse des troubles névrotiques. Les névroses traumatiques, caractérisées par des crises répétant la situation traumatique initiale, donnaient lieu à la réitération chez le malade de l'attitude adoptée au moment où sa vie avait été mise en danger. Si ce type de névrose semblait récuser toute explication à partir de l'étiologie sexuelle, il renvoyait pour Freud au phénomène de la fixation de la libido sur le Moi propre en place d'objet sexuel. Il dénomme alors cette orientation de la libido narcissisme et donne donc au Moi la capacité d'être un grand réservoir de la libido, à partir duquel sont envoyés des investissements vers les objets. La libido peut secondairement refluer des objets vers le Moi. Ainsi, dans le conflit névrotique, la libido narcissique se dresse contre la libido objectale, l'intérêt de la conservation du Moi se met en défense contre les exigences pulsionnelles.

Au delà du principe de plaisir

L'introduction du concept de narcissisme permet, selon l'expression de Freud, de jeter un regard par-dessus le mur de la psychose. Dans de nombreux cas de démences paranoïdes, d'atteintes mélancoliques ou de délires paranoïaques, la psychanalyse repère les mêmes facteurs étiologiques et les mêmes complexes affectifs que dans les névroses. Singulièrement, le matériel psychique dans les psychoses est souvent présent en surface et n'a pas à être retrouvé dans les profondeurs, comme c'est le cas dans la névrose. Par contre, si la relation transférentielle n'est pas absente de la cure du psychotique, Freud insiste pour dire que l'analyste a rarement affaire à un transfert positif comparable à celui qui est moteur dans le champ névrotique. Freud propose de réunir sous le concept d'Éros les forces de conservation de soi et de l'espèce et de lui opposer le concept de Thanatos regroupant les tendances à la destruction et à la mort. Ces dernières tendances lui semblent liées à l'automatisme de répétition, tant de fois repérées dans le fonctionnement névrotique. Au delà même du principe de plaisir qui régit l'appareil psychique, existe une zone gouvernée par Thanatos dont la marque est une inlassable répétitivité. Alors que jusque là, Freud avait conceptualisé l'appareil psychique en trois instances majeures : Inconscient, Préconscient et Conscient, il propose à partir de 1922 une nouvelle Topique explicative : Ça, Moi, Surmoi.

Ça insiste
Psychanalyse et liberté
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Extensions...

Paradoxalement, Freud ne contribue en rien à l'application de l'analyse à la pédagogie ou à l'éducation. Cependant, les constatations analytiques relatives à la vie sexuelle et au développement psychique des enfants apparaissent tout de même susceptibles de faire envisager aux éducateurs leur tâche sous un nouveau jour. Certains continuateurs de Freud insisteront particulièrement sur ce point. Ainsi, progressivement, la psychanalyse n'est plus seulement une méthode thérapeutique déterminée, elle devient aussi le nom d'une science, celle de l'inconscient psychique.

Jetant un regard en arrière sur la part de travail qu'il me fut donné d'accomplir dans ma vie, je puis donc dire que j'ai ouvert beaucoup de voies et donné bien des impulsions, qui pourront aboutir à quelque chose dans l'avenir. Je ne puis moi-même savoir si ce quelque chose sera beaucoup ou peu.

Pédagogie
Médecine
Gouvernement
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Barbarie et exil

Après l'Anschluss, en mars 1938, la communauté juive viennoise est soumise à des persécutions et massivement déportée dans des camps où beaucoup trouveront la mort. Freud est constamment inquiété, mais ses appuis institutionnels, sa notoriété mondiale le protègent. Il pense tout d'abord rester à Vienne, faire face jusqu'au bout aux agresseurs, et ne souhaite pas déserter devant cette abjecte oppression. Toutefois, son appartement est régulièrement visité par la Gestapo, ses enfants, Anna et Martin, sont retenus à la Kommandantur. Pour ces raisons, Freud décide d'accepter le projet de la princesse Marie Bonaparte d'un transport de tous les membres de la famille à Londres. Le projet se réalise finalement et la famille parvient dans un premier temps à Paris par voie ferrée. Quelques jours plus tard, le voyage aérien pour Londres s'organise. Installé à Maresfield Garden, Freud aménage un bureau de travail et fait venir une partie de son mobilier viennois, ainsi que sa collection remarquable d'objets antiques. Il décide de continuer à exercer la psychanalyse, malgré les douleurs croissantes liées à son cancer de la bouche, dont il souffre depuis une quinzaine d'années. C'est à Londres que Freud termine ce qui sera son dernier ouvrage, Moïse et le monothéisme, dans lequel il revient une fois encore sur l'hypothèse des conséquences du meurtre du père symbolique dans l'éclosion du judaïsme, et par extension de la civilisation. Freud s'éteint le 23 septembre 1939.

Haine de soi et haine de l'autre

 
 
 
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