Arts, Civilisation et Culture



Sciences

humaines

 


 
 
Littérature

La psychanalyse a rapidement été un objet d’approbation ou de désapprobation, source d’inspiration pour les auteurs de fictions romanesques ou d’essais.
Deux courants principaux se sont développés : celui qui a construit des personnages animés par des déterminations inconscientes (avec parfois une certaine naïveté d’expression), celui d’une critique psycho-biographique interrogeant la genèse de l’oeuvre en fonction des aléas de la vie de l’auteur.

Cet aspect novateur a montré ses limites. Tous les auteurs n’ont pas su rendre l’acuité de compréhension du travail de Freud consacré à la « Gradiva» de Jensen. Les personnages de fiction ne sont pas les sujets d’une cure analytique, même si on ne peut ignorer qu’ils révèlent une part de l’inconscient de l’auteur.

La psychanalyse a certes décrit des mécanismes (sublimation) à l’origine du geste créateur, mais ne peut rendre compte du génie artistique en tant que tel.

Plus qu’une référence à des thèmes d’une « psychologie des profondeurs », la psychanalyse apporte une manière radicale d’interroger l’acte d’écrire au delà de l’intention explicite de l’auteur. Sans doute n’écrit-on plus aujourd'hui tout à fait avec la belle « innocence » des siècles précédents...

retour haut de page

Cinéma et psychanalyse

L’invention du cinématographe est contemporaine de celle de la psychanalyse. Nous pourrions être séduits par l'idée d'une représentabilité de l'inconscient freudien, d'autant plus que les thèmes, les conduites du récit ou de la mise en scène, les effets spéciaux, l'évolution des personnages, semblent pouvoir relever d' une interprétation psychanalytique.
Feud s’est pourtant toujours refusé aux sollicitations d’Hollywood : « Il ne me paraît pas possible de faire de nos abstractions une représentation plastique qui se respecte tant soit peu ». La question de la représentation de l’inconscient lui paraît insoluble, même si l’image cinématographique semble se rapprocher de celle du rêve. La psychanalyse considère toutefois que le rêve est d’abord un texte qui est secondairement élaboré en images.

Cependant, au-delà de l’avis du maître, les cinéastes ont convoqué la psychanalyse à maintes reprises au cours du siècle. Citons, dans des expressions et des projets très différents, l’onirisme provocateur de Luis Bunuel et des surréalistes, les démonstrations quelque peu pédagogiques d’Alfred Hitchcock. De nombreux autres auteurs ont été habité par un projet d’exploration des relation de couple et des avatars de la sexualité humaine : Ingmar Bergmann, Elia Kazan, Antonioni, Visconti.

Aujourd’hui, l’image cinématographique semble davantage interrogée dans son rapport au fantasme. Les mises en scène, mettant en jeu la vision du corps, sont certainement à rapprocher des constructions inconscientes fantasmatiques individuelles.

 

retour haut de page
 

Sciences humaines

La question se pose de la place et de la fonction de la psychanalyse dans le champ des sciences humaines. Ces dernières ont été inaugurées par la sociologie d’Auguste Comte en continuité des approches du siècle des Lumières. L’irruption de la découverte de l’inconscient a incontestablement bouleversé le mode de représentation que l’homme se fait de lui-même.
Là où la sociologie et les psychologies expérimentales traitaient de comportements objectivables ou dénombrables, la psychanalyse met en cause un sujet confronté à une perte radicale de connaissance sur lui-même et animé par un désir singulier.
Dans le sillage de la sociologie, les sciences humaines prétendent à la science par l’emploi de méthodes statistiques. Freud opte pour l’emploi de la méthode clinique qui suppose des rencontres toujours uniques. Ainsi, le sociologue constituera un savoir sur « les femmes » par un dénombrement de caractéristiques communes, tandis que le psychanalyste choisira d’entendre les femmes « une par une ».  Plus même, il entendra un sujet qui s'interroge sur ce qu’est la féminité pour ce qui le concerne.  Ceci dit, les analystes sont eux-mêmes soumis à la prégnance des formes culturelles et de leurs achoppements, tandis que les « expérimentalistes » ne sont pas sans reconnaître les effets de l’inconscient dans les objets qu’ils mesurent.
Mais ne pourrait-on concevoir qu’un des apports importants de la psychanalyse serait aujourd’hui de
contribuer à ce que les sciences humaines interrogent la consistance de l’objet qui les fonderaient comme science ?

retour haut de page

   Politique et social

La psychanalyse interroge la nature du lien social, ce qui le fonde et ce qui l'anime. Deux textes freudiens fondamentaux font à cet égard référence, il s'agit de "Totem et tabou" et de "Psychologie des foules et analyse du Moi".
Sous une forme mythique reprenant les théories anthropologiques de son époque, Freud évoque les liens entre Loi -interdiction de l'inceste- meurtre et intériorisation du père archaïque tout-puissant. Il définit la société comme la communauté des frères liés par le même sentiment de culpabilité qui donne lieu, par un renversement inconscient, aux plus hautes aspirations morales.

Par voie de conséquence, tout groupe humain se trouve soumis à un double processus d'identification. D'une part, chaque individu tend à s'identifier au chef, posé comme figure idéale ; d'autre part, tous les membres partagent la même référence au chef, et trouvent là une base d'identification mutuelle qui les soude, ce qui s'avère généralement corrélatif d'une tendance à se constituer en s'opposant.

Dans ce contexte, plus le groupe craint que ses liens ne se dissolvent ou que le chef soit trop faible, plus il tend à l'autarcie, à l'exclusion du supposé différent, au durcissement de son régime. On tend alors vers le régime totalitaire, soumis à une version archaïque de la tyrannie d'un père jouisseur et implacable, auquel le vœu inconscient de chacun est hélas capable, pour un temps, d'accorder du crédit.

De ce point de vue, on comprend mieux le pessimisme de Freud qui désignait le gouvernement des hommes comme impossible. L'ambivalence foncière des sujets ne peut jamais être totalement prise en compte et maîtrisée par les processus démocratiques rationnels. Cependant, comme le suggérait Churchill, la démocratie est sans doute le pire des systèmes (par son infinie complication) mais on n'en a pas trouvé de meilleur au regard des valeurs de la civilisation. Une véritable démocratie ne peut faire l'économie d'une gestion de ses conflits internes, qu'elle doit inclure dans son fonctionnement, et ne pas tomber dans leur déni, ce qui conduit à la voir mortifère de l'utopie.
 

retour haut de page

   Histoire

Jusque dans son dernier ouvrage, "L'homme Moïse et le monothéisme" (1939), Freud s'est intéressé aux fondements de l'histoire. En consacrant son dernier ouvrage à celui qui est apparu comme messager de la loi divine et comme un grand législateur, Freud interroge l'articulation entre les bases du monothéisme et, à travers l'histoire du peuple juif, celle de la culture humaine.
L'histoire apparaît organisée autour de la figure divine, comme une succession de tentatives de réponses à la question du père. Avec l'idée de Dieu unique, Moïse n'apportait en fait à son peuple rien de nouveau, mais ne faisait que ranimer un événement ancien remontant aux origines de tout groupement humain. Freud fait là référence au meurtre primordial du père.
Plus généralement, Freud estime que l'écriture de l'histoire humaine n'échappe pas à des déterminations inconscientes qui, sous forme de retour du refoulé, marquent ou infléchissent le cours des événements.
Toutefois, la psychanalyse éclaire surtout les modalités successives par lesquelles les hommes ont tendu au cours des temps à voiler et à découvrir la question de l'origine même de la civilisation. Cette origine reste liée pour Freud au meurtre du père et à l'instauration de l'interdiction de l'inceste, et il en rend compte dans les avatars du sentiment religieux.

 


le Moïse de Michel-Ange

retour haut de page

Peinture

La psychanalyse ne se donne aucun droit de prononcer des jugements esthétiques. Elle interroge l’œuvre d'art du point de vue des déterminations inconscientes de l'artiste. Dans "Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci", Freud repère dans le tableau "L'enfance du Christ" à la fois les caractéristiques de la relation de Léonard à sa mère, et la figuration d'un objet lié à l'histoire libidinale de l'enfance du peintre.
Ce type de déchiffrage psychobiographique retient aujourd'hui moins l'attention des

psychanalystes. Toutefois, les concepts inventés par Jacques Lacan (catégorie de l'imaginaire et conception du regard comme objet cause du désir) renouvellent l'approche de l’œuvre picturale. Le tableau vaut moins par ce qu'il montre que par sa fonction de "piège à regard", où le sujet est appelé vers le saisissement d'un objet impossible.

Perspective et transparence, notamment, prennent sens dans cette nouvelle approche.

 


Les ambassadeurs  Hans Holbein le jeune


Retour haut de page

  Pédagogie -Éducation

 

Voir : Texte intégral

La psychanalyse, dans les premiers temps de son développement, a porté des critiques très dures contre la morale sexuelle civilisée. Si en effet, c’est l’attitude morale à l’égard de la sexualité qui est responsable des névroses, l’éducation qui véhicule cette morale se trouve en devenir l’agent direct de propagation. Ainsi, la prévention des névroses serait aux mains de l’éducateur, lequel pourrait subir l’influence de l’enseignement de la psychanalyse (1).
Freud pourtant retira rapidement ses espoirs en une telle fonction prophylactique de l’éducation. Plus généralement, il posa la question de la conciliation envisageable entre les exigences égoïstes de l’individu et celles du renoncement imposé par la civilisation. Autrement dit, la question était de savoir comment concilier le développement de l’enfant vers la civilisation avec le maintien de ses capacités de bonheur.
Au fond, la tâche de l’éducateur consiste à trouver le juste équilibre entre “le Charybde du laisser-faire et le Scylla de l’interdiction”. Il s’agit donc d’évaluer à chaque fois quel moindre sacrifice de plaisir peut apparaître compatible avec les nécessités de la vie sociale, sachant que le principe de plaisir a à être supplanté par le principe de réalité.
Les frustrations majeures s’opèrent dans le domaine de la sexualité, mais Freud fait remarquer qu’une liberté sexuelle illimitée accordée dès la naissance ne conduirait pas à un meilleur résultat. C’est que la satisfaction facile tue le désir, que les obstacles font croître :
 “Il faut un obstacle pour faire monter la libido, et là où les résistances naturelles à la satisfaction ne suffisent pas, les hommes en ont, de tout temps, introduit de conventionnelles pour pouvoir jouir de l’amour”(2).

Cet interdit, qui est la condition du désir, ne fait, pour la psychanalyse, qu’un avec celui qui frappe l’inceste. La prohibition de l’inceste trace en effet la ligne de démarcation entre animalité et humanité, et débouche sur la constitution des lois sociales. C’est aussi ce qui fait du désir une dimension spécifiquement humaine.
Non seulement l’interdit ne s’oppose pas au désir, mais celui-ci ne se supporte que de la Loi, c’est à dire d’un système de règles symboliques qui barre définitivement l’accès à une jouissance primordiale.

Dans ces conditions, il apparaît que l’inconscient des éducateurs peut s'avérer  plus déterminant pour le développement de l’enfant que l’action éducative programmée. Une part essentielle du processus éducatif échappe ainsi à la maîtrise des éducateurs, dans la mesure où ils sont régis , jusque dans leur vocation professionnelle, par des motivations inconscientes.
C’est là sans doute ce qui pourrait justifier le vœu de Freud que les éducateurs reçoivent une formation analytique personnelle. C'est aussi ce qui marque la limite de toute contribution de la psychanalyse à l'éducation.

 
 
1) voir à ce sujet : Catherine Millot, Freud anti-pédagogue, Navarin, p. 11
2)S. Freud, La vie sexuelle , PUF, p. 63

  

Retour haut de page

Retour page d'accueil