Une grande figure de la psychanalyse :
Jacques LACAN
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ÉTUDES et FORMATION
Issu d'une famille de la moyenne bourgeoisie catholique
parisienne, d'une mère héritière d'une firme de production
vinaigrière orléanaise, d'un père qui en assurait la
représentation à Paris comme agent général, Jacques-Marie Lacan
naît le 13 avril 1901.
Il poursuit des études au Collège Stanislas et s'y montre bon
élève, avec un goût marqué pour les mathématiques et la
philosophie. Il entreprend des études de médecine, se spécialise
en neurologie puis passe à la psychiatrie. Il devient interne à
l'hôpital Sainte-Anne.
Il subit là l'influence de Gaétan Gatian de Clérembault, dont il
dira plus tard qu'il a été son "seul maître en psychiatrie".
Clérembault s'intéressait particulièrement à l'érotomanie. Par
ailleurs, s'appuyant sur le syndrome d'automatisme mental,
celui-ci en vint à séparer les psychoses hallucinatoires
des délires passionnels, ces derniers correspondant en
particulier à l'érotomanie. Davantage intéressé par la paranoïa
féminine, Lacan écrit en 1931 son premier texte théorique sous
le titre de " Structures des psychoses paranoïaques ".
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RENCONTRE AVEC LA
PSYCHANALYSE
Au cours de 1931, Lacan est amené à suivre le cas de
Marguerite Pantaine, qu'il fait connaître dans ses écrits sous
le nom d'Aimée. Celle-ci avait été internée à Sainte-Anne à la
suite d'une tentative d'assassinat à l'arme blanche sur une
actrice célèbre. La malade était porteuse d'un délire
paranoïaque fait de thèmes de grandeur et de missions suprêmes.
Lacan s'intéresse particulièrement à la psychose d'Aimée, et en
fait l'objet de sa thèse de médecine :"De la psychose
paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité". Utilisant
des concepts psychanalytiques, il montre que la malade développe
une paranoïa d'autopunition, et que le geste criminel est tout
aussi bien dirigé vers elle-même. Cet acte, au fond
auto-agressif, éponge la culpabilité et entraîne une
amélioration des troubles de la patiente. Avec ce retournement
se dessine un abord spécifiquement lacanien des faits mentaux,
relatif à la dimension de l'imaginaire.
Pendant sa formation en psychiatrie, Lacan fréquente assidûment
le cercle des surréalistes, ce qui le place du reste en
porte-à-faux au sein de ces deux milieux. Il commence une
analyse en 1932, non pas avec un des pionniers de la
psychanalyse française, mais avec un des nombreux analystes
allemands et autrichiens transitant par laFrance
avant de rejoindre les États-Unis : Rudolph Loewenstein.
Sur le plan théorique, Lacan s'attache tout d'abord à décrire la
prévalence des fonctions scopiques, tant au plan de l'éthologie
ou de la physiologie animale qu'en ce qui concerne le
comportement humain. Particulièrement retenu par une observation
de Darwin à ce sujet, il écrit en 1936 son article "Le stade du
miroir . Théorie d'un moment structurant et génétique de la
constitution de la réalité, conçu en relation avec l'expérience
et la doctrine psychanalytique".
L'exposé de cet article au Congrès de psychanalyse de Marienbad
lui vaut d'être interrompu par Ernest Jones, ce qui marque
profondément Lacan. Il y développe l'idée que l'enfant se vit
profondément morcelé au départ, et dans l'indifférenciation
entre lui, sa mère et le monde extérieur. Porté par celle-ci, il
va progressivement reconnaître son image dans le miroir,
anticipant ainsi dans l'imaginaire la forme totale de son corps.
C'est donc comme autre, l'autre inversé du miroir, que l'enfant
commence à se repérer. Mais en même temps, il s'installe dans la
méconnaissance de son être véritable par l'aliénation dans une
image qu'il ne va plus cesser de donner de lui-même pour exister
aux yeux d'autrui.
Lacan produit donc, dans un premier temps, une théorie de
l'Imaginaire. Mais au tout début des années cinquante, il relie
l'investissement à l’œuvre dans les processus imaginaires au
défaut radical auquel la prise dans le langage soumet tout
sujet. L'enfant au miroir en vient à se retourner vers sa mère
pour y capter un regard authentifiant, mais aussi pour
recueillir l'assurance d'une nomination :" tu vois, c'est toi,
Pierre, mon fils....", ce qui l'inscrit dans l'ordre symbolique
de la famille et de la société.
Cette nomination s'avère toutefois toujours défaillante, et
l'enfant ne tarde pas à faire l'épreuve que ce qui vient le
représenter dans la sphère des mots, voire des signes, n'est
jamais définitif, et semble bien plutôt se déplacer infiniment
d'un terme à un autre.
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LE
SÉMINAIRE
L'enseignement de Lacan au sein de Séminaires débute en
1951. Celui-ci va s'étaler sur 27 années et ne cessera de gagner
en audience. Dès les premiers séminaires, Lacan développe
certaines conséquences de la philosophie de Hegel, notamment
quant au rôle de la reconnaissance du désir, de la relation du
maître à l'esclave et de la place de l'Autre. Il est introduit à
cette pensée par Alexandre Kojève qui, dans ses cours, développe
une relecture personnelle de l’œuvre du grand philosophe.
L'Autre est une catégorie essentielle dans l'enseignement
lacanien. Il apparaît d'abord comme un lieu tiers auquel il est
fait référence quand on s'adresse à quelqu'un, mais il est aussi
le "trésor des signifiants", garant de la vérité symbolique.
Comme tel, il peut être incarné, une personne de l'entourage de
l'enfant pouvant en être le support (la mère très souvent).Cet
Autre, supposé complet au départ, s'avère toutefois barré,
castré du fait même qu'il désire. On ne saurait en effet désirer
qu'à partir d'un point de manque intime.
Le désir s'avère causé par un objet manquant que Lacan réfère à
la dimension du Réel. Sans image
spéculaire, cet objet qui "vient de la tripe" est impossible à
dire ou à représenter. Lacan propose de l'appeler "objet a" et
en répertorie ses différentes formes : sein, excrément, voix,
regard, rien. L'objet a vient faire bouchon au manque dans
l'Autre, inassumable au départ, et s'installe comme le lieu de
la jouissance. Cet objet est à différencier des objets du désir
proprement dits qui sont, eux, articulés métonymiquement à
partir de chaînes signifiantes.
Lacan confirme ainsi que la libido n'est fondamentalement pas
sexuée. Le rapport à l'autre sexe relève essentiellement des
aléas de la prise dans les signifiants, et le désir inconscient
se réfère de manière centrale à un signifiant particulier, sans
signifié : le Phallus. Le Phallus vient recouvrir ce qu'il en
est de l'objet (a), de la béance ou du manque dans chaque
structure individuelle. Le désir se montre articulé à un
fantasme dont la fonction est de nouer un sujet barré (touché
par la castration) à l'objet (a), cause du désir.
Autre conséquence : il n'y a pas de rapport sexuel. Ce rapport
ne se fait jamais qu'avec une image, toujours phallicisée. Il
s'en suit la propension féminine à vouloir "être" le Phallus, et
à en jouer sous la forme de la mascarade, et le goût masculin à
certifier l'"avoir", ce qui débouche sur la parade.
Dans le cas de la psychose, Lacan repère une non-inscription
fondamentale dans le Symbolique, celle du Nom-du-Père,
signifiant paternel dont le destin, dans la névrose, est celui
de venir barrer le désir maternel. Il y a forclusion du
Nom-du-Père dans la psychose. Or, ce qui est rejeté du
Symbolique réapparaît dans le Réel au moment où le sujet est
confronté au désir de l'Autre.
Les deux catégories de l'Imaginaire et du Symbolique se révèlent
chacun marqués d'un trou qui apparaît d'autant plus ouvert que
l'on cherche à le réduire. Ce constat amène Lacan à la
reconnaissance de la catégorie du Réel, dont il ne va cesser par
la suite de penser l'articulation aux deux premières.
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EMPRUNTS
CULTURELS
Un manque foncier, un "manque-à-être", existe dès
l'instant où l'être se met à parler. C'est alors vers la
linguistique de Ferdinand de Saussure que se tourne Lacan. Il
met en parallèle le système combinatoire de la linguistique
structurale avec le fonctionnement même de l'inconscient.
Reprenant la notion de signe saussurien, il montre la prévalence
du signifiant sur le signifié. La combinatoire des signifiants
et leur constitution en chaînes sont rapprochées des formations
de l'inconscient : derrière symptômes, rêves, actes manqués et
lapsus se repèrent un certain nombre de signifiants refoulés qui
continuent à opérer. De même, Lacan fait un parallèle entre
métaphore et condensation d'une part, entre métonymie et
déplacement d'autre part. A cet égard, il faut noter la richesse
de la collaboration entre Lacan et le grand linguiste Jakobson.
Plus généralement, dira-t-il, un signifiant est ce qui
représente un sujet pour un autre signifiant. Le sujet se trouve
dans une sorte d'entre-deux, et n'est jamais représenté que dans
le jeu de renvois successifs d'un signifiant à un autre.
L'anthropologie structurale de Claude Levi-Strauss restera
également un fil conducteur pour Lacan. La distribution des
signes, rôles et mythes dans de nombreuses cultures
primitives, leur organisation en structure, exemplifie
particulièrement le fonctionnement du signifiant.
A partir de 1961, il commence à utiliser une branche
particulière des mathématiques, la topologie, pour rendre compte
de l'articulation des principaux concepts de la psychanalyse,
mais aussi du nouage entre les trois catégories fondamentales.
Il en viendra, dans la dernière partie de son enseignement, à
l'utilisation de la théorie des nœuds, et promotionnera le
nouage borroméen (type de chaîne dont la suppression d'un
maillon entraîne la séparation de tous les autres) comme adéquat
à penser le rapport entre Réel, Symbolique et Imaginaire.
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TÉLÉVISION
En 1973, Jacques Lacan acceptait de répondre aux
questions de son gendre Jacques-Alain Miller devant les caméras
de Benoît Jacquot. L'émission a été diffusée en deux parties
sous le titre "psychanalyse", selon le vœu du service de la
recherche de l'ORTF.
Lacan y répond à des questions sur le statut de la vérité, la
nature de l'inconscient, l'approche différentielle du
psychothérapeute et de l'analyste, le rapport du capitalisme à
la jouissance. En outre, il répond au fameux questionnaire de
Kant (Que puis-je savoir ? que dois-je faire ? que m'est-il
permis d'espérer ?) et réagit à l'énoncé de la formule de
Boileau : «ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les
mots pour le dire s'enchaînent aisément ».
Dans le film apparaît un Lacan au sommet de son art, magistral
et plein d'humour à la fois. Le texte de Télévision
reste une référence fondamentale pour la théorie lacanienne.
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RUPTURES ET CRÉATIONS
C'est l'usage
de l'interruption de séance que l'I.P.A. (Association
Psychanalytique Internationale) ne pardonnera pas à Lacan en
1963, puisqu'elle décide alors de le radier avec un certain
nombre de sympathisants (dont Françoise Dolto) de ses listes. Il
lui est en particulier reproché des temps de séance trop courts.
Cette "excommunication" de 1963 est la seconde rupture
retentissante de Lacan au sein des sociétés de psychanalyse. En
1953 déjà, alors qu'il dirigeait la Société Freudienne de Paris,
il avait pris la décision d'une démission suite à l'adoption par
celle-ci d'un enseignement réglé sur le modèle de l'enseignement
de médecine.
En 1963, Lacan décide de fonder l'École Freudienne de Paris sur
la base de ses avancées théoriques, avec le soutien d'un petit
noyau d'amis. On connaît la fécondité des 17 années d'existence
de l'"École", l'intérêt de ses travaux et recherches dans tous
les champs de la culture, et la notoriété croissante de Lacan
parmi les intellectuels. Les Séminaires de Lacan, tenus jusqu'en
1979, brassèrent une audience considérable.
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CURE ET FORMATION
Lacan adapte
progressivement sa pratique analytique aux concepts théoriques
qu'il élabore. Si l'attention flottante de l'analyste reste
requise, celle-ci prend son sens au repérage des rapprochements
signifiants, des effets de langage manifestés dans la cure.
L'interprétation ne vise pas seulement à la révélation d'un sens
caché, elle est avant tout une intervention de l'analyste pour
qu'apparaissent des significations nouvelles : en jouant de
l'"équivoque", par effet d'énigme dans le champ signifiant,
l'analyste laisse ouvert des effets nouveaux de sens.
La direction de la cure est référencée par Lacan au désir de
l'analyste ("L'analyste ne s'autorise que de lui-même") et ses
interventions fondamentales consistent en l'interprétation, la
scansion, le silence, l'interruption de séance.
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L'HÉRITAGE
Le maître pourtant, à partir de 1978, commençait à
souffrir d'un trouble cérébral qui lui rendait difficile
l'expression langagière. Lacan devenait souvent mutique et se
retranchait alors sur la "monstration" d'objets topologiques
rendant compte de l'articulation des concepts analytiques.
À la suite de divers mouvements de groupe au sein de son École,
il prend la décision d'une dissolution en 1980. Il crée,
avec son gendre Jacques-Alain Miller, l'École de la Cause
Freudienne, que ce dernier dirige encore aujourd'hui.
Lacan s'éteint en septembre 1981, et repose en terre normande,
dans le petit village où il venait se ressourcer chaque semaine.
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