Le
sujet interdit…
Il y a peu (20 janvier 2012), Daniel
Fasquelle, député UMP, vient de déposer " une proposition de
loi visant à faire interdire les pratiques psychanalytiques(1)
dans la prise en charge de l'autisme(2) et à
généraliser les pratiques éducatives et comportementales
". Agrégé de droit, spécialiste de droit européen,
on voit bien qu'il est sans conteste, expert en matière de
soins psychiatriques et d'éducation spécialisée. Il est vrai
qu'il ne le prétend pas, mais il se fait néanmoins le
porte-parole de certaines familles - et non pas " des
familles ", comme il le laisse entendre - farouchement
opposées à la psychanalyse dans le traitement de leurs
enfants autistes.
Dans le même temps la Haute Autorité de Santé rend un avis
où il est dit que puisque la psychanalyse n'est pas une
méthode faisant l'objet d'un consensus, elle n'est plus
recommandée dans le traitement des autistes.
Toutes affaires cessantes, le 10 mars 2012 au lendemain de
cet avis, sur le site nouvelsobs.com, Laurent
Joffrin se fend d'un éditorial(3) au ton
triomphaliste : " Traitement de l'autisme : Une nouvelle
défaite pour la psychanalyse " qui " s'affaiblit sous les
coups d'une conception plus scientifique du psychisme humain
".
Cette mise en cause de la psychanalyse venant
d'horizons si divers ne peut manquer d'appeler quelques
questions dont la moindre n'est pas de rechercher ce qui
peut réunir un député de droite qui donne dans la compassion
populiste, une Autorité pseudo-scientifique dont les
relations avec les industries pharmaceutiques continuent
d'être toujours aussi peu transparentes et un homme de
presse qui se prétend plus ou moins occasionnellement et
confusément de " gauche ". Essayons d'émettre quelques
hypothèses.
1 - Compassion et " droit " des
familles.
Comment ne pas, tout à la fois, reconnaître que les familles
dont le député Fasquelle se prétend le porte parole
souffrent cruellement, et cependant affirmer que cela ne
leur donne pas pour autant le droit de faite interdire un
élément de la prise en charge qui peut être proposée au
bénéfice de bien d'autres enfants et familles qui n'épousent
pas leurs préjugés militants. C'est la bonne vieille
technique de la suspension du jugement par l'émotion en
vogue dans les émissions de télévision où tout un chacun
vient montrer ses " particularités " souffreteuses et
revendiquer des " droits " inhérents à cette condition. Être
parent d'une enfant autiste -
mais ne faudrait-il pas dire " d'un enfant affecté
d'un autisme " ? - donnerait le " droit de savoir " en quoi
consiste le traitement qui lui est utile et d'en exiger
l'application pour lui et tous les autres.
Les parents ont leurs convictions dira-t-on et " c'est bien
leur droit ! " De fait, certaines sectes et religions -
convictions intimes - revendiquent, elles-aussi, le droit
d'interdire certains types de soins dont leurs enfants
peuvent avoir besoin, comme par exemple les transfusions
sanguines. La loi de la République ne leur accorde pas ce
droit et il y a lieu de parier que les opposants à la
psychanalyse trouvent cela tout à fait normal. Pourtant, ces
sectateurs sont moins hégémoniques que les familles que le
député soutient : au moins n'entendent-ils pas faire de
cette revendication une loi générale et ne l'imposent qu'à
leurs coreligionnaires.
Ainsi, on voit qu'il y a de bonnes et de mauvaises
convictions selon des critères qui ne doivent rien à la
raison.
2 - La science !
Mais, nous dit-on, il n'est pas question de conviction, mais
de science. Et la psychanalyse n'est pas scientifique, ça
n'est pas sérieux. Ça, c'est à la Haute Autorité de Santé
(HAS) qui a mission de le dire. Voyons donc ce qu'elle écrit
dans son rapport de mars 2012(4). Dans un rapport
de plus de 50 pages, quatre lignes sont consacrées à la
psychanalyse et à la psychothérapie institutionnelle - qui
est inspirée, pour une grande part, par la psychanalyse. Ces
quatre lignes (p. 27) disent exactement ceci :
" Interventions globales non consensuelles
L'absence de données sur leur efficacité et la divergence
des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la
pertinence des interventions fondées sur :
- les approches psychanalytiques ;
- la psychothérapie institutionnelle. "
A - Consensus et preuve
En toute rigueur, si l'on veut bien admettre que les mots
ont un sens dans un certain champ, ce qui apparaît - c'est
le titre de la rubrique - c'est que l'absence de consensus
pose problème.
Il faut savoir qu'à défaut de preuves scientifiques
incontestables - ce qui est très souvent le cas dans les
matières médicales et de soins - les recommandations de la
HAS se réfèrent alors à des " avis d'experts ". Pourquoi pas
? si l'on prête attention au fait que le consensus des
experts dépend de facteurs multiples qui, pour la plupart
d'entre eux, ne présentent aucune garantie scientifique.
Ces avis dépendent en premier lieu du choix des experts
appelés à former le collège qui donnera son avis. On
pourrait espérer à propos de questions portant à
controverses l'exigence que l'éthique minimale est de réunir
des personnes n'ayant pas a priori le même point de vue et,
à tout le moins, que des représentants qualifiés des divers
avis potentiels soient consultés. Le lecteur curieux jugera
au vu de la liste des personnes ayant participé à ce rapport
si cette exigence a été respectée. Pas un seul
psychanalyste, pas une seule institution digne de
représenter la psychanalyse, n'y figurent.
Ces experts ne sont évidemment pas indépendants du contexte
idéologique et pratique dans lequel ils interviennent. On
sait qu'à propos de la psychanalyse les querelles demeurent
vives dans l'espace public. C'est un sujet " d'opinion "
dont tout le monde se croit autorisé à parler sans rien y
connaître et bien évidemment l'ignorance des détracteurs est
renforcée par le fait qu'ils n'en ont aucune expérience
concrète et veillent à s'en garder. Quand on " n'aime pas "
la psychanalyse, on ne fait pas de cure ! Le contexte, c'est
aussi un certain ordre social où la production de soins
engage des intérêts matériels non négligeables. Il n'est que
de voir à la fin du rapport la liste des établissements qui
ont été consultés ou y ont participé. On ne saurait être
surpris qu'ils tiennent à valoriser la spécificité de leur
mode de prise en charge " efficace " afin d'entrer
directement en opposition avec le service public lieu du " conservatisme " et
de l'obscurantisme. D'une certaine manière on peut penser
que puisque le client est roi, la garantie du succès est de
satisfaire sans réticence les demandes des parents qui sont
aussi les promoteurs et les gestionnaires de ces structures.
En ces temps de valorisation forcenée de la consommation,
celle de soins ne peut être totalement abstraite de cet
idéal libéral marchand qu'on veut croire garant de
productivité et d'inventivité.
On voit donc que le consensuel a ses limites ! Faut-il
rappeler que le géocentrisme a été durablement et assez
férocement consensuel ? Faut-il faire la liste des pratiques
médicales qui, elles-aussi, ont été approuvées sans réserves
avant d'être abandonnées ou soumises à des usages très
restreints après des applications larga manu ?
Pensons aux " chocs " électriques, chimiques, à la
lobotomie, à la contention systématique des agités… et des
autres !
Nous pouvons évoquer, par exemple, au croisement du soin et
de l'éducation, la question de l'usage de la langue des
signes pour les enfants sourds. La lamentable histoire de
l'interdiction de cette langue, décidée en 1880 à Milan, est
riche d'enseignements. On y retrouve les mêmes ingrédients
que pour la question du traitement des enfants affectés d'un
autisme.
Toute la communauté " scientifique ", médecins, pédagogues,
rééducateurs, responsables d'établissements, était là pour
décider du " bien "
des autres. Les sourds devaient tous impérativement accéder
à " l'oralisation " et le meilleur moyen était de… proscrire
dans l'éducation des sourds la langue des signes, qualifiée
au passage et entre autres gracieusetés scientifiques "
d'idiome simiesque ".
On juge aujourd'hui, après un siècle, que cette interdiction
a eu des effets particulièrement déplorables dans
l'éducation et l'accès de plusieurs milliers de jeunes
sourds à l'enseignement, l'expression, la culture.
B - l'argument du chaudron
On connaît l'histoire de celui qui est sommé de rendre à son
propriétaire le chaudron qu'il lui a emprunté et se défend
avec indignation : Je n'ai pas emprunté ton chaudron,
d'ailleurs il était percé quand je m'en suis servi.
La HAS trouve cet argument digne de sa " hauteur ". Elle
nous dit que " l'absence de données sur efficacité [de la
psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle] ", ne
permet pas d'avoir d'avis… lequel est à l'instant énoncé :
ne pas en recommander l'usage ! Mais comme l'inconscient -
auquel l'HAS ne croit pas - est efficient sans lui en
demander raison, l'argument du chaudron continue son
bonhomme de chemin et, malgré la gravité du sujet, non sans
un effet de comique qui se lit bellement au chapitre " 6.2
Recherche clinique " :
Face au constat du faible nombre d'études scientifiques
permettant de connaître les effets à long terme des
interventions éducatives, comportementales et
développementales mais aussi de l'absence de données
concernant de nombreuses pratiques - émergentes ou non
- réalisées en 2011 en France, il est recommandé aux
équipes des centres hospitaliers universitaires et des
autres organismes ayant une mission de recherche (CRA,
universités, laboratoires de recherche, CREAI, etc.) de
développer la recherche clinique par des études contrôlées
ou par des études de cohorte.
Ces études devraient prioritairement évaluer l'efficacité
et la sécurité des pratiques émergentes récemment décrites
(ex. méthode des 3i, etc.), des pratiques non évaluées par
des études contrôlées pour lesquelles il existe une
divergence des avis des experts (ex. psychothérapie
institutionnelle, etc.), des interventions consensuelles,
mais non évaluées par des études contrôlées (ex. thérapie
d'échange et de développement, interventions débutées
tardivement dans l'enfance ou mises en œuvre auprès des
adolescents, etc.). Parallèlement, le suivi de cohortes
devrait permettre d'éclairer les effets à long terme des
interventions éducatives, comportementales et
développementales.
Ainsi donc, ce qui est préconisé - les méthodes
comportementales diverses - au nom d'un savoir incertain ou
d'un consensus douteux est soudain pour le moins sujet à
interrogations par le fait " du faible nombre d'études
scientifiques permettant de connaître les effets à long
terme des interventions éducatives, comportementales et
développementales ". Plus étonnant encore en termes de
pertinence intellectuelle " des pratiques non évaluées par
des études contrôlées pour lesquelles il existe une
divergence des avis des experts (ex. psychothérapie
institutionnelle, etc(5).) ", devraient être
évaluées. Certes, mais où et quand puisque leur usage n'est
pas recommandé ?
Sans rire, la HAS recommande d'évaluer des techniques dont
elle recommande de ne pas se servir ! On aimerait que cette
Autorité qui règne sur l'ensemble des " bonnes pratiques "
et l'évaluation des médicaments dont nous usons acquière
assez vite un peu plus de solidité épistémologique, ce
serait rassurant.
C - L'espace d'un doute
Tout de même, nos experts, ne peuvent être exempts de doute.
Ce qui, ipso facto, émousse quelque peu leur
expertise, mais au moins leur rend un peu de l'humanité
jusqu'alors absente en leurs propos. En effet, tout en se
fortifiant de certitudes scientifiques aux noms le plus
souvent américains(6), quelques lézardes
apparaissent dans les convictions.
Les interventions développementales sont basées sur
l'utilisation des intérêts et des motivations naturelles
de l'enfant pour rétablir le développement de la
communication avec et en relation avec les autres. Le
contexte d'apprentissage est très important et les
activités et les événements sont choisis pour leur intérêt
pour l'enfant. L'apprentissage utilise une variété de
situations et de rituels sociaux.
Par ailleurs, des publications récentes faisant référence
aux techniques comportementales ABA recommandent d'être
attentif aux signaux donnés par l'enfant, d'y être
réceptif et réactif et de partir dans la mesure du
possible des activités, désirs et intentions de l'enfant
lui-même, plutôt que de systématiquement imposer
l'apprentissage d'un comportement décidé a priori sans
observation préalable de la personnalité de l'enfant ou
sans chercher à saisir les occasions de coopération ou de
coordination avec lui. (pp. 48, 49)
On voit que la certitude des " motivations naturelles " -
car nous sommes ici dans le registre des modulations de la
matière vivante humaine ou non, le comportementalisme ne
fait pas la distinction par principe - doivent cependant
quelque peu composer avec cette chose redoutable et honnie :
l'incertitude des situations et rituels sociaux qui, bien
certainement, n'ont pas cette belle simplicité naturelle des
" motivations ". L'affaire empire encore car voilà qu'il est
question de " désirs et intentions de l'enfant " avec qui il
est préconisé de " coopérer ". Sans doute le psychisme de
l'enfant autiste est-il si transparent que tout cela se
déchiffre par la simple observation.
Enfin, nous trouvons au détour de la page 48 de ce rapport
la seule phrase - soulignée par nous - qui présente un
véritable intérêt parce que, peut-être, elle ruine toute
l'assise de ce credo scientiste et que les rédacteurs n'ont
pas pu en censurer l'émergence :
Les interventions comportementales trouvent leur origine
dans l'application systématique des interventions fondées
sur les principes de la théorie de l'apprentissage,
c'est-à-dire de la méthode d'analyse appliquée du
comportement, connue sous le sigle ABA (Applied Behavior
Analysis). Elles consistent à analyser les comportements
pour comprendre les lois par lesquelles l'environnement
les influence, puis à développer des stratégies pour les
changer. Les matériaux pédagogiques sont choisis par
l'adulte qui prend l'initiative des interactions pendant
les séances. Les renforcements sont extrinsèques aux
tâches enseignées (renforcement positif) et
présélectionnés par l'adulte. Des recherches
complémentaires seraient utiles sur les motivations
intrinsèques.
Ainsi donc, il y aurait un espace psychique à - si l'on ose
dire - l'intérieur des autistes ! Mais que la psychanalyse
ne s'en soucie jamais !
3 - L'idéologie scientiste au service du libéralisme le
plus dur.
S'il était question, vraiment, de l'intérêt des autistes,
l'interdiction de la psychanalyse ne serait pas l'objet de
la proposition de loi et de l'avis si peu consistant de la
HAS qui révèle une méconnaissance à peu près totale de ce
qu'est la psychanalyse théorique et appliquée à la prise en
charge des enfants affectés d'un autisme.
Aujourd'hui, on ne rencontre plus de
psychanalystes qui prétendent guérir l'autisme en usant de
la méthode utilisée avec les patients névrosés. Par contre,
ces praticiens participent à la prise en charge
multidisciplinaire dans les institutions qui accueillent les
personnes affectées d'autisme. Ils accompagnent par des
moyens variés - entretiens individuels, groupes de paroles,
ateliers d'expression, rencontres avec les parents - les
personnes prises en charge, les professionnels et
l'entourage.
Ils ne récusent nullement ce qui dans l'éducation
spécialisée rend possible une communication apaisée, avec un
minimum d'angoisse et d'agressivité et on peut les voir
éventuellement mettre la main à la pâte… à l'atelier cuisine
ou peinture. Ils ne revendiquent pas d'être prédominants
dans la prise en charge. De même, ils ont abandonné toute
idée de travailler sur " la " cause de l'autisme, mais ne
cèdent pas sur cela qui est essentiel : une personne
affectée d'autisme, n'est pas réductible à l'autisme et,
tout autant qu'une autre, peut avoir à signifier - par ses
moyens propres - ce qui la concerne dans ce qui lui advient.
En somme, les analystes en institutions appliquent déjà… les
préconisations de la HAS ! On peut même assurer sans crainte
qu'ils ont été assez souvent les promoteurs de l'écoute des
parents, des créations d'instances pour que les équipes
élaborent les difficultés rencontrées dans les prises en
charge et sécurisent les différents professionnels - car
travailler avec des enfants affectés d'autisme engendre des
mises en cause personnelles souvent rudes.
Il n'y a guère que l'hypothèse du sujet qui leur est
reprochée avec violence. Pourquoi est-ce si important qu'il
n'y ait pas de sujet ? Voilà une question que les
adversaires de la psychanalyse devraient se poser. Mais ils
s'en défendent. Au lieu de sujet, ils veulent de la
mécanique réflexologique, de la " nature ", de la " réponse
aux besoins ".
Interdire à la psychanalyse de participer à la prise en
charge des personnes affectées d'autismes, c'est refuser
cette complication : les autistes ont une subjectivité. Le
retrait, " l'inquiétante étrangeté ", la détresse d'une
souffrance souvent incompréhensible n'existent que parce que
ces " autres " sont des humains. C'est précisément ce que
les pratiques comportementales ne veulent pas accepter.
Elles séduisent alors ceux à qui elles s'offrent comme le
paradigme de la naturalisation pavlovienne des rapports
interpersonnels et sociaux.
Sans doute est-ce sur ce point qu'un alinéa du chapitre "
6.2 Recherche clinique " du rapport de la HAS prend tout son
sens :
Les critères de jugement principaux de l'efficacité [des
traitements] devraient correspondre à des variables
considérées comme essentielles pour l'amélioration de la
participation de l'enfant/adolescent au sein de la
société, tant du point de vue des professionnels que des
associations représentant les usagers.
S'agit-il d'objectifs guidés par le souci d'autrui dans une
démarche de soins, d'éducation ou de ceux qui gouvernent le
" management
" de Renault, France Télécom ou du groupe La Poste
et quelques autres avec les succès humains que l'on sait.
Obtenir le traitement de l'autisme sans psychanalyse
apparaît alors comme " la tête de pont " d'où peuvent être
investis les champs de la santé mentale, de la santé
physique, de l'éducation, du management, de la propagande
politique. " Généraliser les pratiques éducatives et
comportementales ", c'est espérer pouvoir conduire tous les
hommes par des méthodes " scientifiques " vers des buts
qu'on leur désigne comme enviables ou nécessaires, mais dont
ils ignorent à peu près tout et à propos desquels, seule la
soumission à l'objectif est requise.
Monsieur Joffrin aurait dû penser à cela - mais il aurait
fallu qu'il se documente quelque peu ! - avant de se lancer
dans sa diatribe. L'homme de gauche qu'il prétend être
aurait dû prendre garde de ne pas s'allier à ce que la
droite libérale et marchande ambitionne d'installer de plus
radicalement aliénant. C'est toute une anthropologie qui est
ici menacée et les personnes affectées d'autismes sont là,
cyniquement, prises en otages au service d'une idéologie
déshumanisante qui se masque de gros bon sens, de bons
sentiments et de pseudo science.
G.
Herlédan
22/03/2012
(1) Ce pluriel
ne manque pas d'être bien singulier ! Les pratiques… mais de
quoi parle-t-on exactement ? Évoquer le nom même de
psychanalyse serait-il déjà de trop ? Sans doute faut-il le
renvoyer aux poubelles de l'histoire… D'emblée nous voilà au
niveau des usages crypto-paléo-kremliniens du langage…
(2) Encore un
singulier bien singulier. L'autisme... est-on si assuré
qu'il soit Un, à tout le moins on peut constater que les
personnes affectées d'autisme, le vivent de manières si
différentes que la réduction paraît ici bien peu établie en
clinique du cas par cas, du un par un. Mais certes, c'est -
dans cette proposition de loi - ce à quoi on ne veut penser
à aucun prix !
(3)
http://tempsreel.nouvelobs.com/laurent-joffrin/20120310.OBS3461/traitement-de-l-autisme-une-nouvelle-defaite-de-la-psychanalyse.html
(4)
Rapport de la Haute Autorité de Santé, accessible sur
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_953959/autisme-et-autres-troubles-envahissants-du-developpement-interventions-educatives-et-therapeutiques-coordonnees-chez-lenfant-et-ladolescent
(5) " etc. ",
ce doit être le nom par lequel la HAS se résout à nommer
l'innommable psychanalyse. Brrr, la peur superstitieuse
semble envahir les esprits jusqu'au tabou du nom !
(6) " Parce
qu'à prononcer vos noms sont difficiles / Y cherchait un
effet de peur sur les passants " disait Aragon dans
L'Affiche rouge… Ici, plus modestement, c'est un effet
d'esbroufe qui est recherché. C'est en anglais et ça vient
du pays qui a inventé la bombe atomique, est allé sur la
lune et vend l'iPad®… c'est de l'incontestable ! Et comme on
le voit dans le rapport qui en regorge, nous sommes dans le
domaine des sigles : " la méthode d'analyse appliquée du
comportement, connue sous le sigle ABA (Applied Behavior
Analysis). " À nos yeux, ce n'est pas anodin : l'usage
surabondant du sigle dans les discours du gestionnaire, de
l'expert révèle - au premier degré - un mode de confiscation
du langage pour assurer un pouvoir. Ce n'est pas nouveau -
qui peut lire un jugement civil ou un contrat d'assurance ?
-, mais il y a une dimension plus préoccupante et, celle-là,
plus nouvelle : le sigle est "
plein ". Il ne participe pas d'un échange entre
sujets où le malentendu est toujours présent… et fait qu'on
continue de parler. Le sigle tente la réification du
langage. Le risque de l'énonciation est remplacé par la
prétendue certitude de l'information. Peut-être est-ce là la
part de jouissance qui, au fond, est recherchée dans ces
nouvelles modalités discursives et détermine, par exemple,
un acharnement certain contre la psychanalyse qui tend à
montrer la méprise radicale de cette quête.
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