Freud... et Lacan

Il y a cent ans, en avril 1901, naissait Jacques Lacan. Le nom de ce psychanalyste, successeur de Freud, figure marquante de la pensée en France dans la dernière moitié du XXe siècle, n'est pas aussi médiatisé que celui de Françoise Dolto, Maud Mannoni ou Gérard Miller. Lacan est pourtant celui qui a inspiré leurs travaux respectifs, à partir d'une "relecture" de l' œuvre de Freud.

Lacan s'est attelé dans son enseignement à revisiter chacun des concepts de la psychanalyse, et a rapidement dénoncé leur détournement par l'Association Psychanalytique Internationale. S'il n'a jamais cédé sur l'impératif de restaurer le tranchant de la découverte freudienne, à savoir l'évidence du désir inconscient, on le voit dès le début souligner l'abâtardissement en quoi consistait une approche psychanalytique fondée sur l'analyse du Moi, conçu comme centre de la personnalité et comme support d'adaptation.

Mais bien au-delà de cela, Lacan est le fondateur d'une théorie du sujet. Empruntant à la linguistique saussurienne, à l'anthropologie de Levi-Strauss, il dégage progressivement l'autonomie de l'ordre symbolique dans lequel est plongé l'être parlant. Cet ordre est différencié des mirages de l'imaginaire et de la méconnaissance à laquelle ils conduisent, même s'ils n'en fondent pas moins le prototype de l'image de soi.
En prenant appui sur les mathématiques, la topologie en particulier, il en vient à serrer progressivement la dimension du réel, et à définir ses modes d'articulation aux deux ordres dégagés précédemment.

Ce cheminement théorique, qui couvre 40 années d'enseignement, a débouché logiquement sur certains aménagements de la cure analytique orthodoxe. Ce sont ceux-ci qui ont valu à Lacan une éviction de l'organisation internationale de psychanalyse, ce qui l'a amené à créer sa propre école, d'abord l'EFP puis l'ECF.

Aujourd'hui, 20 ans après la mort de Lacan, le mouvement lacanien commence à prendre de l'ampleur dans le monde entier, et de nouvelles institutions de psychanalyse promouvant son enseignement ont vu le jour.

Lacan aura indéniablement marqué l'histoire de la psychanalyse. Mais il y a bien plus. Est-il permis de dire que nous ne sommes vraisemblablement qu'au début de la prise en compte de la révolution conceptuelle, philosophique et humaine que constitue son œuvre ? Une nouvelle conception de l'homme en émerge, ainsi qu'une élucidation des rapports de l'homme à la science. L'oeuvre de Lacan commence tout juste à être diffusée, traduite et enseignée dans le monde, et nous ne pouvons qu' imaginer les effets qu'elle engendrera inévitablement.

Décidément, cent ans après sa naissance, c'est bien plus d'un siècle de travail qu'il nous faut envisager autour de l’œuvre de Lacan.
 

A. Cochet

avril-mai 2001

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